Au loin, j'aperçois un espace de verdure et une dune qui barre l'horizon.
Dans ma mémoire se bousculent des images de bosquets de chênes des marais, d'ormes et de pins. Je revois clairement les harmonieux bouquets de saules agrémentant de-ci de-là, la prairie délimitée par des haies d'ajoncs, de pruneliers et de ronciers entremêlés. Ils constituent la nature sauvage avec laquelle j'ai rendez-vous.

Mais, sur mon itinéraire, je ne rencontre que des espaces herbeux, parfaitement tondus, parsemés de tables de pique-nique, de voies planes et bien dessinées. C'est curieux, mais ce lieu ne me parle pas. Le site est vaste. Un cheminement de béton couleur sable relie les équipements d'un parcours sportif. Je lis sur une pancarte : « plaine de loisirs ». Aucun souvenir !
En suivant les allées sages, bordées de bancs comme dans les jardins d'une maison de retraite, je crois pourtant reconnaître l'endroit où mon père m'emmenait le soir.
Je me poste face à ce qui ressemble aux vestiges d'une clairière. Elle a été nettoyée de ses haies et de ses buissons. Plus de ronces ni d'herbes folles, les troncs des arbres, bien dégagés, se détachent nettement dans le décor. La végétation a été domestiquée ! Où sont les petits animaux, sans buissons de ronces, sans haies touffues pour se cacher ? Et les rouges-gorges confiants ?

Je songe à mon père qui m'enseignait la nature. Que penserait-il de la métamorphose des lieux ? Personnellement, la vision m'attriste. Pas seulement, parce qu'elle s'avère différente de mon souvenir, mais parce que ces aménagements réalisés pour satisfaire les touristes, défigurent l'endroit et privent les riverains d'une zone préservée, propre à la rêverie...

Je quitte l'endroit, un brin mélancolique, et me dirige vers l'océan. Je l'entends derrière la dune recouverte de panicauts maritimes et d'immortelles des sables que j'apprécie de retrouver à cet endroit. Ces plantes sauvages font de la résistance...