Le Fogeo du Néolithique au Moyen Age

Difficile d'imaginer à quoi ressemblait le parc du Fogeo au Néolithique...
LIONEL VISSET et JACQUES BERNARD du Laboratoire d’écologie et des paléoenvironnements atlantiques de Nantes ont réalisé un carottage dans les sous-sols du Parc et nous en livrent les secrets dans un passionnant article de la revue d'archéométrie ArchéoSciences.

On y lit notamment : "Les oscillations du niveau de la mer... et les mouvements dunaires déterminent l’installation et l’évolution des marais maritimes... et des tourbières. En arrière de la frange littorale, le milieu est dominé par la chênaie caducifoliée [chênes à feuilles caduques], dans laquelle se développe Quercus ilex [le chêne vert, à feuillage persistant], dès l’Atlantique [période géologique correspondant à la fin de l'ère tertiaire, l'homme se sédentarise et pratique l'agriculture]. Bien que l’habitat soit attesté dans toute cette région, l’activité humaine est peu sensible... jusqu’à la fin de l’Âge du Bronze, même si la céréaliculture est présente, mais de façon sporadique. À partir de l’Âge du Fer, la déforestation est conséquente, mais ne semble pas pouvoir s’expliquer complètement, ni par l’élevage, ni par l’agriculture."

Les chercheurs ont effectué un forage en arrière du cordon littoral et y ont découvert 80 cm de sable, puis 3 m de couches alternées de vase, de tourbe et de sable (du haut en bas, 18 cm de tourbe, 98 cm de sable, 12 cm de tourbe, 9 cm de sable, puis 133 cm de tourbe), le tout reposant sur une arène granitique (sable grossier provenant de la dégradation du granite). Ils ont déterminé l'âge des couches et analysé les pollens piégés dans chaque couche pour déterminer la nature et la densité de la végétation à chaque époque (cliquez pour voir le diagramme des résultats).

Pendant le "Néolithique final", le Fogeo est épisodiquement recouvert par la mer et on n'y détecte que quelques plantes de la famille des chénopodiacées (qui affectionnent les vasières maritimes) et aucune plante lacustre ou aquatique.
A la fin de la période, on note le développement de plantains qui indiquent la création de dunes qui vont finir par isoler le Fogeo de la mer.

A l'Âge du Bronze, l'eau douce a remplacé la mer, les plantes affectionnant les sols salés laissent place à des plantes de marais d'eau douce, laîches, massettes, Sparganium... qu'on retrouve dans les couches de tourbe.
Dans un deuxième temps, les massettes disparaissent, remplacées par des graminées, ce qui laisse présumer un abaissement du niveau de l'eau et un recul des marécages. Les saules et les aulnes bien adaptés aux zones humides se développent, mais aussi les chênes, les noisetiers, et plus rarement l’orme, le tilleul, le hêtre et le chêne vert.
Les traces de céréales cultivées témoignent de la présence humaine, encore discrète à cette époque.
A la fin de l'âge de Bronze, le niveau d'eau monte à nouveau et permet le retour des massettes et le développement de fougères paludicoles et de myriophylle aquatique.
Restent quelques chénopodiacées probablement liées à d'épisodiques submersions marines.
Dans le même temps, la forêt de chênes et noisetiers recule sans qu'on puisse déterminer si ce recul a une origine humaine ou naturelle.

A l'âge de Fer, le niveau de la mer remonte (dépôt d'une couche de vase marine sur le Fogeo), les chénopodiacées regagnent du terrain et les arméries se développent alors que les massettes, les graminées et les laiches reculent.
La déforestation se poursuit, probablement cette fois du fait de l'activité humaine (peut-être à cause de l'utilisation du bois en métallurgie et pour l'exploitation du sel).
Les espèces les plus représentées sont le chêne, le noisetier, le hêtre, l'orme, l'aulne et le bouleau.

Pendant la période gallo-romaine, la dune envahit complètement le Fogeo qu'elle recouvre d'un mètre de sable.

La première moitié du Moyen Age connait le retour du marais (eau douce) et des plantes associées (massettes, Sparganium, salicaires, piment royal, et dans l'eau, myriophylles, potamogétons), avant un nouvel envahissement par la dune (80 cm de sable).
Dans cet environnement dunaire, subsistent principalement quelques chênes verts.
Dans les environs, la culture de céréales (sarrasin) se développe, au détriment des forêts de hêtres, de chênes, de noisetiers, d'aulnes et de bouleau. Les plantes de friches (astéracées, renouée des oiseaux, plantains, oseille, linaires) profitent du recul de la forêt.


Depuis le Néolithique, la physionomie du Fogeo a été essentiellement marquées par l'impact des fluctuations du niveau de la mer, transformant alternativement la région en forêts, en marécages salés ou d'eau douce ou en étendues dunaires.
Au cours des âges une grande variété d'espèces végétales s'y sont développées et il est particulièrement frappant de constater que la végétation actuelle du parc du Fogeo en est encore le reflet (même si la plupart des espèces y ont été réintroduites artificiellement par l'homme) : les plantains sont ainsi présents depuis le Néolithique, les massettes, les laiches, les saules, les aulnes, les chênes, les noisetiers, les ormes, les chênes verts depuis l'âge de bronze, les arméries depuis l'âge de Fer...